Louise Des Rosiers | Patrimoine des candidats : des m²… mais si peu d’actions

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Le 16 juin 2014, le ministre des Finances installait le Comité Place de Paris 2020, coanimé par l’association Paris Europlace. À l’heure où les entreprises du CAC 40 sont aujourd’hui détenues à plus de 50 % par des investisseurs étrangers, ce devait être un signal fort en faveur du rôle des marchés financiers pour assurer le financement des entreprises. Mais est-ce suffisant ? Et si le meilleur signal venait du comportement effectif de nos dirigeants politiques ?

Après avoir déclaré que la finance était son ennemi lors de sa campagne présidentielle, le Président Hollande et son gouvernement ont redécouvert les mérites du secteur financier et du rôle des marchés dans le financement des entreprises. Il serait mal venu de bouder notre plaisir. Voir qu’en définitive nos gouvernants reviennent à de meilleures dispositions à l’égard des entreprises et de la finance ne peut que réjouir tous ceux qui croient aux vertus de l’économie de marché.

Interrogé à l’occasion de l’installation du Comité Place de Paris 2020, le ministre des Finances, Michel Sapin, avait déclaré : « Nous voulons mettre l’épargne au service des entreprises ». Belle intention ! Comme le soulignait le ministre, l’essentiel de l’épargne des Français est principalement investi en immobilier et des placements sans risques : assurance-vie en euros et livrets (A, CEL, PEL). Bref, les Français investissent insuffisamment dans leurs entreprises et le nombre d’actionnaires en direct ne cesse de baisser. Mais que font nos candidats à la présidentielle en la matière ?

Les investissements des candidats

L’obligation pour les onze candidats à la présidence de la République de déclarer leur patrimoine propre auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est riche d’enseignement sur leur comportement d’épargnant et sur leurs capacités de gestionnaires.

Précisons que cette déclaration ne doit pas être confondue avec celle de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), compte tenu des différences tenant au patrimoine imposable (couples mariés, pacsés ou vivant en concubinage sont soumis à une imposition commune à l’ISF), aux biens non imposables à l’ISF (œuvres d’art ou avoirs constituant l’outil de travail) qui doivent normalement figurer dans la déclaration de patrimoine et aux règles de valorisation (exemple abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale pour l’ISF).

La première observation que nous pouvons faire est que nos candidats à l’élection présidentielle sont loin d’être des supers riches. Ils sont loin d’arriver à la cheville des candidats à la présidentielle américaine comme Donald Trump ou même Hillary Clinton. Le plus fortuné est Nicolas Dupont-Aignan avec un actif net (actif brut moins dette) de 2,2 millions d’euros.

Le moins riche est Philippe Pouton avec un patrimoine de 31 mille euros composé de livrets d’épargne et d’un véhicule. Le patrimoine brut moyen des onze candidats s’élève à 752 mille euros. Si l’on tient compte de l’endettement, on arrive à un actif net de 631 mille euros. Bref, nos candidats ne sont pas vraiment des riches. Beaucoup de Chinois de Shanghai ou de Pékin doivent rigoler en voyant ces niveaux de fortune.

La deuxième observation que nous pouvons faire est l’extrême concentration du patrimoine dans l’immobilier et l’absence d’actions de sociétés cotées. Le tableau 1 récapitule la structure du patrimoine moyen des onze candidats. Ce tableau permet de voir que l’immobilier (tous biens confondus) représente 85,6 % de leur actif brut et que les actions cotées n’en représentent que 0,7 %. Cette surpondération de l’immobilier va même très au-delà du comportement des ménages français.

En effet, selon l’Insee, l’immobilier représente 61 % du patrimoine brut des ménages (en 2014) et les actifs financiers 39 %. En moyenne, pour nos onze candidats les actifs financiers ne représentent que 13 % de leurs actifs bruts, soit 3 fois moins que la moyenne des Français. Alors que nombreux sont les épargnants à avoir des contrats d’assurance vie, et cela pour des montants non négligeables, nos candidats n’accordent que 1,6 % de leurs actifs bruts à ce type d’actif à long terme.

Le comportement financier des candidats

Reste à analyser le comportement financier de chaque candidat. Afin de ne pas surcharger l’analyse, nous nous en tiendrons au patrimoine des cinq principaux candidats retenus par TF1 lors du débat du 20 mars 2017.

François Fillon

Avec un total d’actifs bruts de 1 180 mille euros, le candidat de la droite n’affiche pas le patrimoine le plus élevé. L’essentiel de ce patrimoine est investi en immobilier (925 000 euros) et très peu en actions cotées (34 000 euros) et en assurance-vie (37 000 euros). Visiblement ce patrimoine n’est pas orienté vers la rentabilité ni l’optimisation fiscale à travers des montages de défiscalisation immobilière avec effet de levier. Il est globalement peu liquide et ne participe pas au financement de nos entreprises cotées.

Benoît Hamon

Avec un total d’actifs bruts de 899 mille euros, le candidat du PS n’affiche pas un patrimoine très élevé surtout si on prend en compte son endettement relativement élevé (598 000 euros). La quasi-totalité de ce patrimoine est investi en immobilier (821 000 euros) et on ne trouve aucune action cotée. Cela peut paraître normal pour un député PS frondeur. Comme pour Fillon, ce patrimoine n’est pas orienté vers la rentabilité ni l’optimisation fiscale à travers des montages de défiscalisation immobilière avec effet de levier. Il est globalement peu liquide et ne participe pas au financement de nos entreprises cotées.

Marine Le Pen

Avec un total d’actifs bruts de 630 mille euros, la candidate du FN affiche un patrimoine inférieur à la moyenne. La presque totalité de ce patrimoine est investi en immobilier (611 000 euros) et on ne trouve aucune action cotée. La structure de son patrimoine ne traduit ni une volonté d’optimisation fiscale à travers des investissements bénéficiant de niches fiscales ni même une volonté de participer au financement des entreprises françaises via un simple PEA.

Emmanuel Macron

Avec un total d’actifs bruts de 549 mille euros et 300 mille euros de dettes, le candidat d’En Marche affiche un patrimoine très inférieur à la moyenne. On peut du reste se demander ce qu’il a fait de ses rémunérations de banquier chez Rothschild. Ni à droite ni à gauche, Emmanuel Macron semble allergique à l’immobilier. Il est en effet le seul candidat à ne déclarer aucun bien immobilier. Est-ce pour cela qu’il veut transformer l’ISF en impôt sur l’immobilier et exclure de sa base les actions ? La totalité de son patrimoine est composé d’actifs financiers, mais très peu en actions cotées (4.609 euros). L’essentiel se trouve logé dans des fonds divers et des livrets, un capital dormant selon ses experts. Bref, pour un ancien ministre de l’économie on ne peut pas dire qu’il réponde aux attentes du ministre Michel Sapin sur la nécessité de renforcer les fonds propres des entreprises françaises.

Jean-Luc Mélenchon

Avec un total d’actifs bruts de 1.131 mille euros et zéro dette, le candidat de la France insoumise affiche un patrimoine supérieur à la moyenne. La quasi-totalité de ce patrimoine est investi en immobilier (1,03 million d’euros) et on ne trouve aucune action cotée, ce qui est normal pour un candidat qui dénonce en permanence l’exploitation des travailleurs par le capitalisme. Ici encore, aucune volonté d’optimisation fiscale à travers des investissements locatifs.

Si loin de entreprises…

Le fait que nos candidats à l’élection présidentielle n’investissent pas une partie significative de leur patrimoine dans les entreprises française est révélateur du peu d’intérêt qu’ils portent en réalité au monde de l’entreprise. S’ils géraient en direct un petit portefeuille d’actions ils apprendraient beaucoup sur les entreprises, leurs réussites et leurs difficultés.

Au lieu de suivre leur situation à partir de rapports, ils la vivraient pour de bon ! Ils pourraient aussi se familiariser avec la fiscalité des actionnaires, apprendre que les dividendes ne sont pas une rémunération indue, participer à des augmentations de capital, etc. Bref, ils participeraient à la vie de nos entreprises.

Quelle peut être la crédibilité économique du futur président, qui sera forcément l’un des onze candidats dont nous avons examiné le patrimoine, qui déclarera tôt ou tard vouloir mettre l’épargne des français au service des entreprises alors qu’il ne le fait pas lui-même ?

Quelle pourra être la crédibilité du futur président qui prétendra défendre les entreprises françaises de l’appétit d’investisseurs étrangers et développer l’actionnariat français alors qu’il ne possède aucune action cotée ?

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Louise Desrosiers

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