Les infos pratiques
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Les Britanniques sont nombreux, depuis les premières décennies du XIXe siècle, à avoir acheté des propriétés ou fait construire des maisons en France. Avec le temps, leur profil sociologique a beaucoup évolué.
Une destination pour les grandes fortunes
Au départ, ceux qui acquièrent des domaines dans l’Hexagone appartiennent aux classes privilégiées. Celles-ci sont le plus souvent, à la fois à la recherche d’un climat plus clément, mais également avides de profiter des opportunités offertes par un coût de la vie moins élevé qui celui qui prévaut de l’autre côté du Channel.
C’est ainsi que non loin des ports de la Manche, à Boulogne et à Calais, mais également sur la Riviera, ils s’offrent de luxueuses résidences. À Dinard sur la côte d’Émeraude la villa Bric-à-Brac, édifiée en 1856 par les membres de la famille Faber fondateurs de la colonie anglaise de cette station balnéaire, a récemment été transformé en hôtel de luxe. À Dinard, dans une autre superbe villa anglaise – Solidor – vit, dans les années 1870, Williers Forbes créateur du premier club de tennis en France. Achetée en 2005, puis rénovée, par François Pinault, elle a vu se succéder d’illustres invités à l’image de Jacques Chirac.
Dans le sud, d’autres Anglais explorent ce qui deviendra la Côte d’Azur. En 1834, Lord Brougham découvre le petit village de Cannes. Charmé par le lieu, le grand pourfendeur de l’esclavage y fait construire une belle demeure, qu’il baptiste du nom de sa fille, Eleonore-Louise. Il y séjourne chaque hiver jusqu’à sa mort en 1868, avec l’espoir de voir la jeune phtisique guérir loin des brumes londoniennes. Enterré à proximité de La Croisette, sa statue trône aujourd’hui dans les les allées de la Liberté.
Le temps des artistes
Entre les deux guerres, de nouveaux Britanniques, plus artistes, plus intellectuels, sont attirés vers la France. Si l’homme de théâtre irlandais George Bernard Shaw séjourne chaque année dans le mythique Eden Roc Hôtel au Cap d’Antibes, son compatriote Herbert George Wells, le père de la science-fiction moderne, préfère quant à lui Grasse où, en 1927, il fait construire Lou Pidou –, une maison dans laquelle il vit avec son amie, la journaliste néerlandaise Odette Keun.
C’est dans l’Eure, à la Chapelle Réanville, que la « scandaleuse » écrivaine, journaliste, éditrice et collectionneuse Nancy Cunard, riche héritière de la Compagnie Transatlantique éponyme, décide à la même époque de faire l’acquisition de la ferme du Puits carré, qu’elle restaure en compagnie de Louis Aragon. Elle y lance et y domicilie sa maison d’édition, Hours Press, d’où sortent une vingtaine d’ouvrages, dont des textes de Samuel Beckett. Très endommagée pendant la Seconde Guerre mondiale la bâtisse, plus tard victime d’un incendie, est à l’heure actuelle totalement à l’abandon. En souvenir de ces célèbres habitants, le lycée voisin porte le nom de l’auteur d’Aurélien (1944).
Des Anglais à la campagne
À la Libération, si certains des « anciens » Anglais, comme Graham Green (Voyage avec ma tante, 1989) et Somerset Maugham (Le Fil du rasoir, 1944), reviennent en France, dans la seconde moitié du siècle de nouveaux Britanniques décident d’y élire domicile. Au milieu des années 1980, l’écrivain William Boyd (Un Anglais sous les tropiques, 1981) s’achète un domaine à Sadillac, près de Bergerac en Dordogne, où il fait son vin.
Dans les mêmes années, en Provence, Peter Mayle enquête sur « l’art de vivre à la française » (A Year in Provence, 1989). À la fin des années 1990, ils sont de plus en plus nombreux à traverser la Manche pour s’établir, qui en Normandie, qui à l’intérieur de la Bretagne, qui dans le Limousin, là où les maisons rurales se bradent loin des régions jadis élues par leurs prestigieux prédécesseurs.
Des retraités, des membres de la lower-middle class, dans l’impossibilité de s’acheter le cottage de leurs rêves dans leur pays, où les prix de l’immobilier sont hors de leur portée, sont donc venus repeupler certaines des campagnes françaises les plus déshéritées. Qu’ils soient optimistes ou pessimistes, qu’ils touchent ou non leur pension en livres sterling, la plupart des Anglais de France, ou qui souhaitent le devenir, envisagent avec une certaine appréhension le Brexit. Cette perspective a-t-elle découragé les candidats à l’expatriation et à l’achat de propriétés en France ?
Le Brexit ne les décourage pas
La majorité des Anglais (65 %) qui, avant le résultat du référendum et l’annonce de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, avaient l’intention d’acheter une maison dans une région française n’ont pas semble-il, jusqu’ici, décidé d’abandonner leur projet. Selon la 9e édition de l’Observatoire BNP Paribas International Buyers, 23 % des acheteurs potentiels envisageraient même d’accélérer un processus en cours, au cas où les acquisitions seraient remises en cause lorsque le divorce entre les deux « meilleurs ennemis » sera officialisé. Parmi les étrangers les Britanniques demeurent, toujours, les premiers acheteurs de biens immobiliers en France.
À Paris, ils sont devancés par les Américains et les Italiens. En effet, dans la capitale le pouvoir d’achat des futurs propriétaires doit nécessairement être beaucoup plus fort que celui de la moyenne des Anglais qui ambitionnent de s’installer dans une « fermette » en rase campagne.
Ainsi, en deux siècles, le profil des Britanniques de France s’est-il totalement métamorphosé. Les amateurs éclairés, les hédonistes, les cosmopolites, les amoureux de la culture française ou encore les admirateurs de la Révolution de 1789 du début du XIXe siècle, ont progressivement été rejoints, puis remplacés, par les premiers touristes voyageant en groupe, chaperonnés par la toute nouvelle agence Cook, puis par des hommes de lettres et des artistes venus chercher leur inspiration dans le Quartier Latin ou encore à Montparnasse.
S’ils s’achètent parfois un appartement, leur enthousiasme pour les maisons françaises n’est en rien comparable à celui des Anglais des classes moyennes, de la fin du XXe et du début du XXIe siècle, qui contribuent à assécher le marché des maisons rurales et à redynamiser certains villages de France.
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Louise Desrosiers